Directeurs de publication : Jérôme Laurent et Michel Niqueux
Depuis la publication en 2010 du monumental Dictionnaire de la philosophie russe (L'Âge d'Homme ), un véritable printemps des études portant sur cette philosophie a eu lieu en France : réédition ou première publication d'œuvres de Léon Chestov au Bruit du temps, traduction du grand ouvrage de Fiodorov Philosophie de l'œuvre commune (Syrtes, 2021), nombreuses publications savantes dans la revue Slavica Occitania ou à l’Institut d’études slaves. Des thèses sur Soloviev, Tchitchérine, Chestov, Losev ou Berdiaev sont en cours ou ont été déjà soutenues. Il est apparu que les unités de recherche Identité et subjectivité et ERLIS de l’université de Caen-Normandie pourraient contribuer à mieux faire connaître ce vaste continent. Pourquoi cependant parler de « pensée russe » plutôt que de « philosophie russe » ?
C’est que les écrivains que l’on nomme « penseurs russes » – quelle que soit leur origine, russe bien sûr, mais aussi ukrainienne (Skovoroda), juive (Chestov) ou géorgienne (Mamardashvili) – ont en commun de ne pas « philosopher » tout à fait comme en Occident. De façon délibérément provocante Tchaadaïev, dans sa première Lettre sur la philosophie de l’histoire (1829), pouvait affirmer : « Le syllogisme de l’Occident nous est inconnu ». L’affect et la spiritualité, pourrait-on dire, ne sont jamais bien loin du concept. Ainsi la littérature, avec au premier chef ses deux « phares » que sont Dostoïevski et Tolstoï, a donné une large place à la réflexion et à la présentation de visions du monde. Souvent la pensée russe est une pensée religieuse ou sociale, où la question de la communauté, déclinée notamment à travers une méditation de la valeur de la sobornost’, est première par rapport à celle de la subjectivité de l’ego empirique ou transcendantal. Que ce soit dans l’uni-totalité d’inspiration néoplatonicienne et schellingienne, ou dans le communisme des penseurs marxistes, c’est le « nous » qui précède et fonde le « je ».
La collection « Pensée russe » a pour objectif de publier à la fois des traductions d’ouvrages importants de philosophie russe et des essais qui éclairent pour le public francophone cette pensée où se mêlent métaphysique, religion, politique et théorie littéraire.
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