De l'Antiquité à nos jours, en passant par la Renaissance, Versailles, Beaubourg ou la pyramide du Louvre, art et politique sont intimement liés : l'art a besoin de moyens financiers et de protecteurs, le politique se nourrit de représentations. La nature du lien se modifie cependant en fonction des systèmes politiques et des valeurs qui les sous-tendent. L'objectif de cet ouvrage est de décrypter ces modifications sur une période et un espace géographique particulièrement propice à une telle interrogation : l'Europe occidentale des Lumières à 1914, c'est-à-dire pendant une longue période de bouleversements des systèmes et des représentations politiques et sociales.
C'est non seulement la représentation du pouvoir politique qui est interrogée ici autour des portraits, des photos, mais aussi l'action du pouvoir politique à travers et en faveur des arts. Alors que les temps démocratiques font émerger la figure « aristocratique » de l'artiste, la place de l'art s'accroît à la faveur des processus de constructions nationales qui caractérisent la période considérée. Les nations ont besoin de représentations de leurs mythes et inventent les musées nationaux, régionaux ou municipaux. Les attitudes individuelles rejoignent l'évolution de la puissance publique : l'art devient un instrument permettant d'asseoir une autorité sociale ou politique. L'achat d'œuvres, la collection, le mécénat entrent alors dans de nombreuses stratégies de domination. La réflexion menée dans cet ouvrage vise ainsi à montrer comment l'usage de l'art peut être un moyen pertinent pour observer un phénomène fondamental des 18e et 19e siècles : la lente émergence d'une distinction entre les sphères du public et du privé dans le monde occidental.
Introduction
(Marc Favreau, Guillaume Glorieux, Jean-Philippe Luis, Pauline Prevost-Marcilhacy)
I. Art et diplomatie
Marc Favreau – Les Gobelins, la Savonnerie et Beauvais : trois manufactures royales au service de la diplomatie française au 18e siecle (1715-1791)
Virginie Larre – Le cardinal de Bernis à Rome, une figure emblématique de la diplomatie et des arts (1769-1791)
II. L'art comme politique
Guillaume Glorieux – Watteau, le Régent et les implications idéologiques du style pastoral
Patrick Michel – La politique d'acquisition des Bâtiments du Roi pour les collections royales dans la seconde moitié du 18e siècle : modalités, choix et portée
Pauline Prevost-Macilhacy – La collection de tableaux modernes du duc de Morny : un enjeu du pouvoir
III. Art et nation
Barthélémy Jobert – Le statut des collections royales britanniques du 18e au 19e siècle
Caroline Domingues – Art et nationalisme en Galice
Isabelle Richefort – La Commission centrale des sciences et des arts en Italie (1796-1798)
IV. La représentation du pouvoir politique
Frédéric Chappey – Entre innocence et immanence : les portraits sculptés d'enfants princiers au 19e siècle
Stéphanie Sotteau – Ernest Appert et le portrait politique