Si les thématiques liées au corps féminin caractérisent une longue tradition poétique espagnole et ont fait l'objet de nombreuses publications, la représentation érotique du corps masculin dans la poésie contemporaine d'Espagne n'a pas encore, à quelques exceptions près, retenu l'attention de la critique universitaire. Les écritures du corps masculin, dont on pourrait situer l'irruption « historique », dans la poésie espagnole contemporaine, au moment de la publication de Los placeres prohibidos de Luis Cernuda, en 1933, consacrent l'avènement d'une poésie explicitement homoérotique à laquelle fait écho, autour des années 80, l'émergence d'une poésie hétéroérotique assumée par des femmes.

C'est avec la place de premier plan accordée au corps masculin dans les poèmes de Federico García Lorca, Juan Gil-Albert, Luis Cernuda, Jaime Gil de Biedma, Francisco Brines, Luis Antonio de Villena, Juan Antonio González Iglesias ou Julio Aumente d'une part, de Clara Janés, Ana Rossetti, Luisa Castro d'autre part (la liste de ces poètes n'est pas exhaustive), que surgit une poétique résolument transgressive, moderne et pourtant nourrie de paganisme, d'hédonisme, de culture gréco-latine antique, d'érotisme biblique, arabe et oriental, de réminiscences humanistes, baroques, modernistes, tous éléments puissamment intégrés à un questionnement contemporain de l'écriture érotique, de la sexualité et du genre.