Vaisseau fantôme échoué sur une crête de basalte dissimulé sous les brumes entrelacées d'histoires et mythes, le château de Murol a eu plusieurs vies, plusieurs capitaines à la fois chevaliers, seigneurs, évêques, éleveurs et paysans. Enfanté par un des plus jeunes volcans de France, le terroir de Murol est fait de montagnes et de lacs, aussi de villages et de champs dont une grande partie a disparu sous les forêts et les pacages. Ses seigneurs étaient autant comptables que guerriers, plus éleveurs qu'artistes, un peu mécènes et grands économes. Au fil de son existence, la sombre chrysalide féodale au piètre confort en mues syncopées, devient maison noble gothique puis se métamorphose en un palais éphémère de la Renaissance. Murol est une forteresse légendaire dont la succession de jeux de représentations va de l’oubli au mythe. Nous dressons une archéologie de la mémoire, à la croisée d’histoires et de commémorations: archivistiques, avec les recherches sur les cahiers de Guillaume de Murol, le seigneur du XIV^e siècle; littéraires et artistiques, avec la réappropriation d’un paysage sensible par les romantiques et par l’école des peintres de Murol; rurale, avec les enquêtes ethnographiques et les prospections systématiques; contemporaines, avec les photographies touristiques et les spectacles de reconstitution médiévaux. L’archéologie tente d’imaginer d’autres histoires, d’inventer des signes et des temps, de faire des chronologies à partir du silence des pierres. Elle cherche à retracer laborieusement les étapes de construction du château, moellon par moellon, lui permettant de bâtir autant de scénarios que d’hypothèses: retrouver les techniques de construction, les origines des matériaux, les techniques stratégiques et défensives et les éléments de décoration et d’ostentation. Étudier un château, c’est aussi prendre en compte un territoire, des hommes, leur mémoire et leurs activités, de même que des architectures de paysages.