La pensée philosophique n’entretient pas avec l’écriture un rapport simple : tout à la fois instrument nécessaire et obstacle, l’écriture est ce à quoi la philosophie toujours recourt et dans le même temps s’affronte, car elle ne se conserve et ne se communique que par le biais de l’écriture, qui cependant la trahit en la fixant et la rendant, peut-être indûment, commune. La philosophie ne s’accomplit-elle qu’en s’incarnant en un texte, ou est-elle avant tout et seulement un au-delà du texte, qui n’en est que le reflet imparfait ? Les présentes études ont en vue d’interroger les multiples pratiques de l’écriture philosophique, et la manière dont les penseurs ont su théoriser cette difficile question – la diversité des doctrines induisant une non moindre diversité des formes et des styles, qui peuvent être ainsi aperçus comme indissociables du contenu et de la doctrine philosophique eux-mêmes. La question de l’écriture peut alors être conçue comme un fil directeur qui parcourt l’ensemble de l’histoire de la philosophie et permet d’en interroger fructueusement les variations, et en dernière analyse comme le lieu par excellence d’une réflexion de la philosophie sur elle-même, ses propres exigences et les conditions de possibilité de son accomplissement.