Si la notion de possible se fait jour dès l'Antiquité, il semble en revanche que le concept de “monde possible” (qui n'apparaît expressément qu'à la fin du 16^e siècle) trouve son plein épanouissement au cours de la période moderne, lorsque la réflexion philosophique et scientifique accueille l’idée d'un Dieu omniscient et tout-puissant, auteur des lois contingentes de la nature, et libre créateur d'un monde qui pourrait être tout différent du nôtre. Cependant, la philosophie de l'âge classique accomplit un radical changement de perspective, aux conséquences multiples et durables : si Dieu peut tout, il ne peut néanmoins faire l’impossible, c'est-à-dire le contradictoire ; loin d'émaner de la puissance divine, le possible en dessine donc les limites, en règle l'usage, et la rend pour nous intelligible. Mais ce faisant, le possible en vient progressivement à se définir sans référence particulière à la puissance de Dieu. Le concept de “monde possible” fait alors l'objet d'un usage plus nettement épistémologique. Ainsi se trouvent remplies certaines des conditions qui permettront à la philosophie et à la science contemporaine de reprendre, par des voies nouvelles, la réflexion sur les mondes possibles.Se proposant de faire dialoguer histoire de la philosophie, sciences, et philosophie contemporaine, ce numéro, en partie issu d'un colloque tenu à l'Université de Brest en octobre 2003, veut interroger une notion depuis longtemps inscrite au confluent de la philosophie de la connaissance, de la physique, de la métaphysique et de l'épistémologie.