Je me suis mis à aimer la Bretagne comme j'aurais pu aimer une femme, et je résolus de la faire connaître dans ses secrets mérites, dans ses charmes les plus suaves et les plus ignorés , confia, en 1835-1836, Émile Souvestre aux lecteurs de ses Derniers Bretons. Cantonner cet important écrivain finistérien, républicain tenace sous une France monarchique, dans le seul pittoresque celte serait pourtant sérieusement défigurer l'ami de Michelet, de Quinet et de Béranger. Devancier du Barzaz Breiz, certes, et premier chroniqueur d'une Bretagne inconnue en voie de disparition, mais poète, journaliste, essayiste, crtitique littéraire, professeur, ethnographe, collecteur, dramaturge et romancier, qui conquit, via Morlaix, Rennes, Nantes, Brest et Mulhouse, finalement Paris, instruisant et divertissant bourgeois et ouvriers, par ses drames, ses vaudevilles et ses romans. Sorti du saint-simonisme, travailleur acharné, défenseur des vertus familiales et des classes laborieuses, pionnier du romain populaire et du récit de science-fiction, il ne se voulut autre qu'un simple « ouvrier en livres », solidaire d’un prolétariat naissant et réprimé. Si l’étoile de Souvestre, le célèbre philosophe sous les toits, pâlit dès le tournant du vingtième siècle, cette toute première biographie de l’homme et de l’écrivain la fait de nouveau briller dans la pléiade de ses contemporains, restaurant à sa juste place, dans l’histoire des lettres bretonnes et françaises, la contribution culturelle d’un esprit polyvalent, fidèle tout autant à son Breiz izel qu’aux idéaux de 1789.