L'œuvre poétique de Sainte-Beuve est-elle encore d'actualité ? Réduite trop souvent à l'intimisme et au prosaïsme, elle ne serait pour beaucoup qu'un jalon sans intérêt de notre histoire littéraire. La Muse qui crachait des “graviers de son poumon meurtri” serait définitivement morte. Pourtant l'ouvrage déroutant paru en 1829, Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, pose une question clé : comment et pourquoi vit et s'éteint la voix d'un poète ? Ce qui conduit à une autre question : à quoi sert la poésie ? Sainte-Beuve participe du désenchantement analysé par Paul Bénichou, mais sa singularité reste entière quand il fait entrer la poésie dans l'ère du doute. Se pencher sur la poétique beuvienne, c'est comprendre comment une écriture devient force de destruction, signifiant dans son propre anéantissement la mort de toute poésie. Sainte-Beuve ou l'annonce de la fin d'un monde.