Dans son texte « La psychologie du peuple suisse » (1934), l'intellectuel de droite et chantre de l'helvétisme Gonzague de Reynold postule que « la politique est l’occupation, le jeu, le sport favori des Suisses, avec le tir et l’alpinisme ». Au-delà de la métaphore, quand, comment, et par qui les vases communicants entre sport et politique sont-ils établis en Suisse? Quelles dynamiques historiques renforcent, dans les esprits comme
dans les institutions, l’idée qu’il existe un « sport national helvétique » renvoyant désormais tant à l’expression du langage commun qu’à une doctrine plus identitaire?
Basé sur de nombreux fonds inédits d’archives, ce livre revient sur les premiers pas de l’État fédéral helvétique de 1848 à travers un objet d’étude se voulant tout en muscles, en rigueur patriotique et en virilité: la gymnastique associative telle qu’elle se développe sur le territoire fracturé de la jeune nation suisse sous l’égide de la Société fédérale de gymnastique (SFG). Suivant les traces des gymnastes des villes aux villages, des grandes fêtes aux rassemblements locaux, de la Suisse à l’Europe en passant par la côte Est des États-Unis, il s’agit de montrer comment la SFG parvient
à tisser des liens très forts avec la Confédération, cela tout en fabriquant le mythe d’une gymnastique « typiquement suisse » aux échos de plus en plus conservateurs.
De l’histoire culturelle et sociale à celles des associations, du fait politique et du genre, le développement de la SFG jusqu’à la Première Guerre mondiale en dit long sur la complexité de l’avènement de la Suisse moderne.