Les choses mûrissent lentement en sémiotique. Pour mesurer la patience dont nous faisons preuve, il suffirait de penser à l'intervalle qui sépare, depuis l’ouverture du dossier des passions, le premier exposé de Jacques Fontanille consacré aux passions chez Aragon, de cette étude déjà sophistiquée sur les passions de l’asthme. L’enquête dans ce domaine a été menée par de nombreux chercheurs et, à l’exception de quelques frivolités qui, s’appuyant sur l’« intuition », « posent » quelques « concepts » nouveaux, la tâche de débroussaillage des zones d’ombre et de confusion a été menée à bien. On a l’impression que le travail qu’on lira ici est consacré pour l’essentiel à « inventer des problèmes », ou du moins à problématiser des champs d’interrogations déjà un peu entamés: en effet, sous l’apparente modestie d’un savant qui commence son étude en demandant de réfléchir sur les moyens et les méthodes que la sémiotique pourrait fournir en remplacement de l’« analyse de contenu » encore pratiquée par certains sociologues, et en le terminant par les considérations d’une fausse simplicité sur le « discours médical », émergent, page après page, des interrogations et des suggestions élargissant à chaque fois la problématique apparemment limitée aux inquiétudes des asthmatiques. Hasard ou astuce, le discours sur le manque de souffle ne manque pas de souffle.