Collage et montage, aux origines de la modernité, ont bouleversé l'histoire et les formes de la musique, de la poésie, du roman, du cinéma, peut-être celles des représentations modernes et postmodernes en général. Comme la perspective jadis, ils ne sont pas simples techniques ou formes : ils ouvrent un nouveau champ d'expérimentation et l’artiste, sondant grâce à eux les zones obscures se son monde, révèle ou structure l’état du monde.

Mais le montage et le collage ne sont pas l’apanage du XXe siècle. Si la poésie et la peinture modernistes des années 1910/1920 trouvent ici leur place — avec Apollinaire, Pound, Picasso, Braque, Prévert…, c’est au sein d’un ensemble beaucoup plus vaste qui, remontant aux centons d’Ausone dans l’Antiquité et passant par le montage dans le Moine de Lewis, nous amène aux oeuvres musicales récentes de Maurice Kagel, à un opéra de Harrison Birtwistle, aux installations de Daniel Buren, à quelques collaborations d’artistes, aux romans récents de Graham Swift et aux théories postmodernes de Charles Olson.

La dimension théorique du collage et du montage est amplement explorée. Utilisés rétroactivement dans l’étude d’oeuvres anciennes, ils suscitent également dans ces pages des réflexions sur l’histoire, l’utopie, la psychanalyse, des analyses de leurs rapports parfois complexes avec la citation et l’intertextualité, voire des mises en garde contre la dérive du "tout-est-collage". Mais cet appel à plus de méfiance ne saurait se lire in fine que comme un appel à encore plus de réflexion sur le montage et le collage…