L'étude présentée dans ce livre a pour objet de caractériser l’ethos professionnel des mathématiciens, c’est-à-dire l’ensemble de leurs dispositions à l’égard de leurs objets d’études – les idéalités mathématiques –, des différentes composantes de leur métier, de leur communauté professionnelle, et d’en analyser les modulations. Elle part d’une conception des mathématiques contemporaines comme science créative, rigoureuse, tendant à une abstraction toujours plus grande, mais de degré variable selon les domaines, réflexive et universelle, et du constat de leur polarisation entre mathématiques pures et mathématiques appliquées. Sont analysées les différentes dimensions de l’ethos professionnel – dimensions épistémique, esthétique, psychosociale, socioprofessionnelle et éthique – que cette polarisation, dont on aura rappelé la genèse, contribue à moduler. Est enfin montré le grand élitisme de la profession, qui est à la mesure de son universalisme. Se dessine progressivement ainsi l’univers des plus rigoureux des scientifiques. Les matériaux de base de l’analyse sont constitués des données d’une enquête par questionnaire extensive, réalisée grâce à l’internet (sur un échantillon de mathématiciens académiques travaillant en France, d’une part ; à des fins comparatives, sur un échantillon de leurs collègues des sciences voisines, d’autre part), d’interviews et de biographies de mathématiciens, d’autobiographies, d’articles ou de livres de réflexions sur les mathématiques.