À la suite des tribulations napoléoniennes, l'Acte final du Congrès de Vienne (1815) décidait de la mise en place d'un droit spécifique sur le Rhin afin de favoriser la navigation commerciale sur le fleuve. Une organisation internationale, la Commission centrale pour la navigation du Rhin, fut alors chargée d’élaborer cette réglementation. Les conventions de Mayence (1831) et de Mannheim (1868) fixèrent les fondements de ce droit, prodrome de la législation européenne contemporaine. Le droit rhénan est ainsi né de considérations commerciales. Mais pour qu’un marché fluvial puisse se développer, il fallait sécuriser la circulation sur le Rhin, d’où la naissance de règles de sécurité fluviale, prenant l’aspect d’un droit professionnel à l’égard des navigants salariés. Puis, ces mêmes considérations commerciales, la « prospérité du trafic rhénan », ont amorcé la naissance d’un droit social propre aux navigants rhénans après la Seconde Guerre mondiale. Un droit professionnel et un droit social cohabitent donc sur le Rhin, qui ont partiellement en commun un même champ, la personne du navigant au travail, même si les problématiques restent distinctes puisque le droit professionnel a pour objectif immédiat la sécurité fluviale quand le droit social a pour objectif la protection du salarié. Mais ce champ commun entraîne de multiples interactions entre les deux corpus. Le droit professionnel va être influencé par des considérations sociales, dont celles du droit social rhénan. Le droit social rhénan va prendre en compte les règles professionnelles préexistantes. À travers l’analyse détaillée de l’évolution de la réglementation rhénane et des débats au sein de la CCNR, la présente recherche rend compte non seulement des forces créatrices de ce droit, mais encore de la manière dont ces orientations vont être traduites juridiquement, compte tenu de la rationalité inhérente aux règles professionnelles et sociales.