Le terme modéré, dont le sens a varié et n'a jamais été vraiment fixé, se décline ordinairement sous deux formes : l'adjectif, qui définit une attitude ou un comportement, et le substantif pluriel, qui oriente vers une famille d'esprit, vers une mouvance parfois difficile à délimiter, voire des groupes d'hommes réunis par une culture commune.

Où sont les modérés ? Entre la droite et la gauche, les modérés ont-ils un espace ? Echappent-ils au partage binaire de la vie politique ? Sont-ils les représentants du « juste milieu », des centristes avant la lettre, qui se situeraient à égale distance des extrêmes en prenant appui sur la double négation : « ni réaction, ni révolution » ? Entre les deux masses de droite et de gauche, arrivent-ils à trouver leur place ? C'est l'une des interrogations majeures de ce livre.

Qui sont les modérés ? « Ordre et progrès » : cette référence des modérés explique autant leur attachement à l'ordre établi que leur volonté de réaliser les réformes nécessaires. Les modérés sont naturellement des hommes de gouvernement, ils recherchent un point d'équilibre entre des aspirations contradictoires. Ils privilégient la discussion, le débat, la lente élaboration du compromis. Ce sont d'abord des libéraux et des parlementaires.

Au fil des générations, de 1870 à 1965, défilent quelques figures emblématiques de la famille modérée : Henri Wallon, le père de l'amendement fondateur de la République, Jules Ferry, René Waldeck-Rousseau, Raymond Poincaré, Louis Barthou, Paul Reynaud, Antoine Pinay, René Coty, le dernier président de la IVe République, et enfin Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances du général de Gaulle et troisième président de la Ve République.