Et si l'aventure était devenue un concept ?
Lire ensemble ces articles, issus de communications présentées lors du colloque organisé par le Groupe d'Etudes et de Recherches Britanniques au Pôle Universitaire de Bordeaux en février 2007, équivaut à faire l'expérience inattendue d'un déplacement, d'un piratage identitaire : l'aventure refuse de se situer où l'on croit, elle échappe à ses contours familiers, et les grands auteurs du roman d'aventure britannique, ainsi que les grands explorateurs anglais, sont délogés par des héritiers improbables, par des aventuriers inédits.
Alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que soit minutieusement exploré un genre très bien balisé, l'aventure se déterritorialise et renonce à ses topoi classiques : plus d'îles désertes, plus de coffres à déterrer, plus de pirates, sinon les auteurs eux-mêmes, qui parodient et évident un genre désormais suspect, compromis dans le colonialisme. Au terme d'une véritable mise en accusation littéraire, d'un pillage en règle de ses codes et de ses événements typiques, l'aventure, exsangue, honteuse, est pourtant autorisée à faire retour comme pure forme, elle devient paradoxalement, au tournant du siècle, une sorte de solution moderne, une ligne de fuite qui permet d'échapper au système réaliste. L'avènement contre l'événement, la suspension contre le suspense, le devenir permanent contre la fixation des identités : l'aventure, examinée désormais au singulier, libérée de ses contenus typiques, dénaturalisée, devient la promesse d'une forme idéale, d'un récit véritablement aventureux. Dans ce recueil, le voyage s'effectue dès lors au centre du récit, et l'aventure se conjugue au présent, dans la conceptualisation d'une liminalité, dans la recherche d'un état perpétuel d'imminence. |