Pour central qu'il soit dans l'évolution de la pensée politique de Machiavel, le Prince n'est pas le testament politique de son auteur ; et Machiavel n'est pas cet écrivain bassement opportuniste, fervent suppôt de la tyrannie dans le Prince puis tout aussi fervent partisan de la république dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live, qu'on a longtemps vu et que certains voudraient encore voir en lui. Les Discours, commencés avant le Prince puis poursuivis et achevés après la composition du célèvre traité, élaborent une doctrine politique longuement mûrie, intégrant sans contradictions ni reniements la totalité des expériences et des théories précédentes de Machiavel, Prince y compris. La conception à laquelle se rallie finalement Machiavel, d'une république mixte où institutions monarchiques, obligarchiques et "populaires" coexisteraient, peut apparaître à certains, après les théories "révolutionnaires" du Prince, comme une involution entachée d'utopie. Le système politique proposé dans les Discours n'en reste pas moins le résultat ultime, cohérent, d'une méditation dont le Prince ne représente au mieux qu'un moment : un moment crucial, sans doute, mais non un aboutissement.