Etudes mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, n° 36-37/2005-2006



Etudes mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, n° 36-37/2005-2006

L'Orientation


:: Résumé    :: Sommaire    :: Détails


Des anthropologues s'interrogent sur la manière dont la notion d'orientation prend sens sur son propre terrain, en lien avec le corps, l'architecture et l'environnement naturel, dans des régions rudes et froides caractérisées généralement par des espaces immenses et une nature particulièrement contraignante (Mongolie, Sibérie, Asie centrale, Tibet). Comment se repère-t-on, comment se positionne-t-on dans l'espace, quelles sont les catégories définissant l'orientation (haut et bas, orients, amont et aval, mondes supérieur, médian et inférieur...), quelles règles dictent l'orientation des campements, des maisons et des temples, quelles orientations sont valorisées, comment circule-t-on dans l'habitation?

Résumés des articles:

PLATTET, Patrick
Les voies du corral. Aspects de l'orientation dans les pratiques pastorales et les performances rituelles contemporaines des éleveurs de rennes du Nord-Kamtchatka.
Chez les éleveurs de rennes du Nord-Kamtchatka (Extrême-Orient sibérien, Fédération de Russie), les pratiques pastorales et les performances rituelles laissent entrevoir un même rapport à l'orientation. Dans la petite communauté villageoise d’Ačajvajam, celui-ci s’exprime de manière particulièrement explicite au printemps, lorsque les éleveurs tchouktches, évènes et koriaks érigent ensemble un corral en toundra pour diviser les troupeaux avant la mise bas, puis célèbrent la naissance des faons dans les périphéries résidentielles de leur village. Jamais totalement fixes, les repères pragmatiques et symboliques de l’orientation déterminent une topographie mouvante dans laquelle les positions des hommes, des animaux et des « esprits » peuvent parfois se chevaucher, voire se substituer les unes aux autres. Dans ce mouvement perpétuel, le geste corporel (danse) et vocal (sons de gorge, chant mélodique) apparaissent comme des puissants marqueurs de l’orientation.

VATE, Virginie
« La tête vers le lever du soleil… ». Orientation quotidienne et rituelle des Tchouktches éleveurs de rennes (Arctique sibérien).
En comparant les matériaux recueillis chez les éleveurs de rennes tchouktches de deux régions de Tchoukotka (Amgouema et Kantchalane), cet article explore la question de l’orientation au sein de la sphère domestique en contexte quotidien et rituel, avec deux objectifs principaux : 1) souligner que la traduction de la terminologie d’orientation tchouktche en termes de direction absolue (nord, sud, etc.) n’est pas fiable ; 2) montrer que l’orientation est non seulement une manière d’organiser et de s’approprier l’espace, mais aussi constitue un moyen de marquer et de définir les différents registres de la vie.

LAVRILLIER, Alexandra
S’orienter avec les rivières chez les Évenks du Sud-Est sibérien. Un système d’orientation spatial, identitaire et rituel.
Les Évenks, essentiellement éleveurs de rennes et chasseurs, connus autrefois sous le nom de Toungouses, vivent éparpillés en petits groupes installés dans toute la Sibérie et dans le nord de la Chine. Depuis les premiers voyageurs, à qui ils servirent souvent de guides, les Évenks sont connus dans la littérature pour leur remarquable sens de l’orientation ; on leur doit les premières cartes de la Sibérie tracées sur de l’écorce de bouleau. Aujourd’hui, malgré les politiques de la Russie tsariste, puis soviétique, qui ont conduit à une sédentarisation partielle de la population, de nombreux Évenks de Russie et de Chine vivent encore de la chasse et/ou de l’élevage de rennes. Cet article montre comment les Évenks nomades parcourent, décrivent et conçoivent leur espace. Pensé et organisé autour des réseaux hydrographiques, le système d’orientation spatial des Évenks leur sert aussi de trame grâce à laquelle ils gardent en mémoire les relations de parenté entre individus et se positionnent socialement. En outre, les rivières sont pour eux des voies de communication symboliques reliant mondes, hommes et esprits, ainsi que pôles de la mort et de la vie.

FERRET, Carole
Un espace à l’aune du bétail.
À la recherche des marques laissées par l’activité pastorale dans les catégories turco-mongoles de l’espace, on découvre que les mesures de distance sont définies de façon relative, alors que l’orientation l’est de façon absolue. Les normes qui déterminent l’orientation sont si impérieuses que l’inversion des positions est comprise comme funeste.


LACAZE, Gaëlle
L’orientation dans les techniques du corps chez les Mongols.
Sous la yourte mongole, l’espace est circulaire, centré sur le poêle et sans cloison interne. Il s’ouvre sur l’extérieur par une porte et une sorte de faîtière, permettant le passage de la cheminée du poêle. L'espace de la yourte comporte des lignes de démarcation implicites qui séparent les différentes catégories de lieu qui y sont identifiées. Dans cet article, l’analyse des manières de se mouvoir et de prendre place sous la yourte révèle une organisation de l’espace attribuant un lieu distinct à chaque catégorie de personne, selon son âge, son sexe et son statut social. Hors de la yourte, dans le monde environnant, des techniques du corps spécifiques servent également à marquer chaque catégorie identifiée de lieu et les frontières symboliques ou réelles les séparant. Ainsi, la référence au corps joue-t-elle un rôle important dans l’aménagement de la yourte, dans son positionnement sur le campement et, plus largement, dans l’agencement du paysage. Elle révèle le rôle du mouvement dans les perceptions de l’espace, mettant ainsi en évidence leur caractère dynamique.

DELAPLACE, Grégory
Le crapaud, les tortues et les canards. Sur la pratique du fengshui à Oulan-Bator.
Au cours de l’année 2001 s’est ouvert à Oulan-Bator le premier centre mongol de fengshui proposant les services de spécialistes en réaménagement d’appartements et de lieux de travail. Le succès est immédiat, les centres se multiplient et ne désemplissent pas. C’est un jeune businessman, Ganbaatar, qui est à l’origine de cette heureuse initiative. Le fengshui qu’il propose aux Mongols, ce n’est pas en Chine qu’il l’a appris, mais en Angleterre, où il étudie le management. Il y découvre les enseignements de Lillian Too, une femme d’affaires elle aussi, qui a fait sa fortune en adaptant quelques principes de la géomancie chinoise aux besoins des couches les plus aisées des sociétés occidentales contemporaines. Le fengshui proposé par Ganbaatar s’adresse donc en priorité à ceux qui gagnent de l’argent, ou, plutôt, à ceux qui souhaitent en gagner plus. Les spécialistes du centre, formés à son école, promettent l’enrichissement à ceux qui font appel à leurs services pour réaménager leur environnement. L’auteur présente ici les principes de cette pratique étonnante et nouvelle en Mongolie, dans laquelle la bonne orientation de canards, de tortues, et surtout du crapaud à trois pattes, « dieu de l’argent », garantit l’accumulation de biens matériels. C’est ainsi par la notion de sens, à la fois direction et signification, que le thème de l’orientation sera ici abordé.

MAROIS, Alexandra
D’un habitat mobile à un habitat fixe. Fondements et changements de l’orientation dans l’espace domestique mongol.
Actuellement, dans les zones de steppe de Mongolie-Intérieure, l’habitat des éleveurs nomades traverse des transformations majeures. Alors que jusqu’ici ils demeuraient majoritairement dans des tentes de feutre, ils s’installent aujourd’hui dans des bâtiments en dur, sans pour autant se sédentariser. L’étude comparative de l’orientation, d’une part de la yourte et du bâtiment, et d’autre part des individus et des objets à l’intérieur de chacun de ces habitats, révèle que le positionnement en fonction des points cardinaux absolus n’est pas primordial. Une conjonction de facteurs à la fois géographiques, religieux, symboliques et socio-économiques guide les manières de choisir des orientations spécifiques. Cet article met en évidence les ruptures et les continuités dans le passage de la yourte au bâtiment en dur et souligne le caractère flexible des représentations liées à une organisation idéale de l’espace domestique.

CHARLEUX, Isabelle
Orientation des monastères mongols.
L'orientation revêt-elle une importance symbolique particulière dans l'architecture des monastères bouddhiques mongols fondés entre le XVIe et le XXe siècle ? Dans le choix de leur site par des pratiques géomantiques, leur inscription dans le paysage, l'orientation générale de leurs bâtiments, la hiérarchie entre différentes positions (droite et gauche, haut et bas, entrée et fond), leur plan d'ensemble et la structure de leur temple principal se décèlent influences bouddhiques indo-tibétaines, influences chinoises et conception mongole de l'espace. Temples axiaux, temples-mandalas et stûpas renvoient à une progression axiale ou à des modèles cosmologiques centrés et orientés. Un plan ou une implantation, peu « ordonné », non conforme à un modèle cosmologique sera rectifié dans les représentations littéraires ou picturales, et il est instructif d'étudier l'écart entre discours et réalité. En dernier lieu est évoquée la pratique de la circumambulation, qui unit en un même mouvement parcours spatial et parcours temporel.

GARDNER, Alex
The Sa Chog. Violence and veneration in a Tibetan soil ritual.
The Tibetan sa chog, or "soil ritual", customarily performed prior to the construction of a temple or house, is a Buddhist ritual for organizing space. The rite calls to the surface of the earth the subterranean serpent deity (klu, related to the Indian naga), determines its orientation in space and time, and subjugates it through a series of steps characterized by both violence and veneration. The rite is a means by which Tibetan communities preserve and contain the power of the soil in such a way that orients it towards human interests. The article makes use of numerous Tibetan ritual manuals from various authors and traditions, as well as a reported 1967 performance of the rite in Rikon, Switzerland, to outline the sa chog rite. The author identifies eight steps: the selection of the site and the performance of preliminary rites; the laying of the grid; the drawing of the serpent and the identification of the vital place; the feast offering for the deities; the stabbing of the vital place; the testing of the soil for omens; the vase offering; and the release of the serpent. While no single text referenced contains all eight of these steps, the performance of the sa chog in Switzerland as described by Van Dyke justifies taking them together as an amalgamated whole.

BERARDI, Barbara
Géographie, représentations et utilisations symboliques de l'espace dans les chants chamaniques du Népal de l'Ouest.
Les répertoires des chants chamaniques de la « tradition du Dhaulagiri » (Népal de l'Ouest) constituent une source très riche de données sur la perception et la représentation symbolique de l'espace propres aux communautés du « Moyen Pays » népalais, la zone des collines himalayennes. L'analyse de ces répertoires éclaire le lien entre dimension géographique et identité car elle suggère que les chants représentent et réaffirment l'ancrage du groupe dans le territoire et que l'utilisation des catégories spatiales renvoie à ses conceptions identitaires. Mais les catégories de l'espace jouent un rôle spécifique aussi dans l'action chamanique même, comme le montrent les chants analysés dans la dernière partie. D'une façon générale, l'examen des répertoires népalais nous montre comment la pensée symbolique, telle qu'elle s'exprime dans les chants, est fortement structurée par les catégories spatiales.

LEOTAR Frédéric
Les mélodies huchées des Touvas et des Ouzbeks. Contexte et système musical.
Cet article a pour but d’illustrer, à partir d’exemples concrets, la thèse selon laquelle les chants pour animaux des pasteurs turcs d’Asie intérieure ou mélodies huchées partagent un modèle musical similaire. Après un tour d’horizon des descriptions disponibles dans la littérature de la pratique consistant à chanter des mélodies à des animaux, en particulier aux femelles du troupeau qui ne donnent pas de lait, il est procédé à l’analyse de mélodies huchées touvas et ouzbèkes. Cette analyse s’efforce de mettre en évidence l’existence de récurrences entre les mélodies et, partant, d’en dégager leur modèle commun.

DOLLFUS, Pascale
The Seven Brothers in Ladakh. Myth, territory and possession.
Called "local gods" (yul lha), the Seven Rongtsan brothers are found in different places all over Ladakh, but always linked in some way to royal estates. Every year, on fixed festival days, they manifest themselves through a medium—a layman or a monk—in an outdoor séance. They offer advice and deliver prophecies about calamities, weather and the forthcoming harvest. This paper examines the various accounts related to their introduction to Ladakh, and gives a description of each of the Seven Brothers, detailing their temper and attributes. Lastly, it explores the close relations they maintained with rulers, referred to as king, through the centuries.

Titre Etudes mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, n° 36-37/2005-2006
Sous-titre L'Orientation
Édition Première édition
Partie du titre Numéros 36-37
Auteur Auteurs divers
ISSN 07665075
Éditeur Centre d'Études Mongoles et Sibériennes (EPHE)
Co-éditeur Ecole Pratique des Hautes Etudes
CLIL (Version 2013-2019 ) 3080 SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES
Description public visé anthropologues, ethnologues, folkloristes, historiens
Crédit Centre d'études mongoles et sibériennes
Date de première publication du titre 01 juin 2006
Code Identifiant de classement sujet      93 Classification thématique Thema: J
Avec Bibliographie
Support Livre broché
Nb de pages Bibliographie .
ISBN-10 2-9518888-3-X
ISBN-13 978-2-9518888-3-8
GTIN13 (EAN13) 9782951888838
Référence 115530-91
Date de publication 01 juin 2006
Publication , France
Nombre absolu de pages 480
Illustrations 45 Illustrations
3 cartes
29 dessins au trait
13 photographies
Format 16 x 24 x 2,4 cm
Poids 756 gr
Prix 29,50 €
 
115530-91


 

 

 

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