Il a fallu, tout au long de la recherche qui a précédé cet ouvrage, penser un paradoxe : le récit, plus qu'un signe ou un enseignement donné à autrui, se présente comme un signe reçu de lui, construit avec lui. L'adulte parle par l'enfant et non seulement pour l'enfant. Il se fait conteur, mais quels risques accepte-t-il de courir dès lors que commence l'histoire ? Le récit est donc envisagé ici selon une perspective qui dépasse largement le cadre de la narratologie dans lequel il a été souvent réduit ces dernières années. Il pose une question philosophique en tant qu'il engage la personne, maître ou élève, entraînée dans des identités virtuelles. Cette personne se transforme tout en transformant la matière rapportée : combien y a-t-il de façons de raconter, de déformer le schéma narratif ? C'est en ce sens que nous parlons d'expérience narrative. Cette expérience, nous la décrivons au travers de nombreux exemples pris dans des séquences de travail observées à la maternelle qui montrent l'importance de l'échange, de la confrontation, de l'interrogation, de la transaction avec l'autre et avec soi-même, autant de modalités faisant de la classe un lieu fondateur dont on n'a pas épuisé les virtualités.