Etudes mongoles et sibériennes, n° 38-39/2007-2008



Etudes mongoles et sibériennes, n° 38-39/2007-2008

Une Russie plurielle. Confins et profondeurs

Coordination éditoriale de Jean-Luc Lambert, Dany Savelli

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Jean-Luc Lambert

De l'Évangile à l'ours en Russie impériale : Comment faire prêter serment à des peuples animistes ?

Dans la Russie impériale, le serment tient une place considérable ; traditionnellement il est prêté en baisant la croix ou en tendant la main vers les évangiles. Un serment de loyauté au tsar est exigé pour tous les sujets mâles. On doit également prêter serment au tribunal. Comment jurent donc ceux qui ne sont pas chrétiens et qui pourtant appartiennent à l'Empire, en particulier les peuples animistes sibériens ? On a ici un exemple de rituel dont la forme peut être aménagée afin de garantir son efficacité. L'analyse montre que le pouvoir russe a instauré des « serments de l'ours » où les animistes embrassent par exemple une tête ou une patte d'ours et qu'il a ainsi propulsé l’ours en position de divinité intrompable pouvant garantir le serment. Par contre-coup, quand les Sibériens tuent un ours, ils commencent par le tromper en accusant les Russes de sa mort, et des rituels sibériens de plus en plus complexes ont été progressivement organisés en l’honneur d’un ours désormais considéré comme divin.

Elisabeth Teiro
Une source cadastrale du district de Temnikov (1613/14) : Lecture continue et étude statistique

À l’issue du Temps des Troubles fut lancée une description des terres de l’État russe nécessaire au pouvoir nouvellement installé. La dozornaja kniga du district de Temnikov, établie en 1613/14 par Ivan Usov et ses collègues, est une des rares sources cadastrales de ce type qui nous est parvenue. Sa valeur pour l’histoire des cadastres comme pour l’histoire des Tatars est incontestable. L’auteur présente ici les remarques qui se sont imposées à elle lors de la lecture suivie et de l’étude statistique de cette source. Elle aborde notamment les méthodes de compilation du cadastre, les caractéristiques du peuplement et de la population, la question religieuse, le statut de détenteurs de biens-fonds et insiste sur les questions auxquelles ne permet pas de répondre ce document.

Delphine Desprez
L’invisible cité de Kitež au reflet de la prose de l’Âge d’Argent

En 1903, le célèbre romancier décadent Dmitri Merejkovski (1865-1941), accompagné de son épouse la poétesse Zinaïda Hippius (1871-1945), quitta Saint-Pétersbourg pour rencontrer à Svetlojar, en outre-Volga, la nébuleuse des groupes de vieux-croyants en rupture avec l’orthodoxie officielle. Quatre ans plus tard, le jeune écrivain passionné d’ethnographie M. Prišvin (1873‑1954) suivit le même chemin : c’est sur la confrontation des textes nés de leurs expériences respectives que l’analyse se fonde pour faire ressortir comment l’identité culturelle de certains non-conformistes religieux, cristallisée autour du mythe de la cité de Kitež, a intégré le traumatisme de la violence d’État en une vision du monde entièrement tournée vers le retour de l’Âge d’Or. Cette attente poussa les intellectuels à s’interroger à leur tour sur leurs propres certitudes et leur fit prendre conscience de la fragilité de leurs positions. Dans la pénombre de la forêt, le soir de la Saint-Jean, à proximité de Kitež mystérieusement disparue face à ses agresseurs, les contraires semblent pouvoir se rejoindre, s’interchanger et se concilier. Surgit un mythe de la Sainte Russie fusionnant foi et histoire pour exorciser les traumatismes anciens. Aux yeux des moujiks non-conformistes, la scission au sein de l’Église russe depuis l’introduction des « nouveautés » byzantines (fautivement attribuées à l’influence de Rome) et l’émergence d’un État moderne à l’occidentale passaient en effet pour aussi apocalyptiques que l’invasion mongole.

Dominique Samson Normand de Chambourg
La guerre perdue des Khantes et des Nénètses des forêts (la soviétisation dans le district Ostjako-Vogul’sk, 1930-1938)

Les années 1930 constituent une décennie déterminante dans l’histoire de la Russie, en particulier dans les relations entre le pouvoir soviétique et les peuples autochtones du nord-ouest sibérien. Sur fond de découpage administratif, d’afflux de population allogène volontaire ou pas, la mise en place de la politique soviétique dans la toundra et la taïga (collectivisation, réseau de bases culturelles, scolarisation, plans imposés, profanation de sites cultuels) qui vise à intégrer de gré ou de force éleveurs de rennes et chasseurs-pêcheurs traditionnels dans la voie du progrès est bientôt ressentie comme une déclaration de guerre par nombre de Nénètses, de Khantes et de Mansis du district national Ostjako-Vogul’sk (aujourd’hui district autonome des Khantes-Mansis). Aux vagues d’arrestations, aux menaces psychologiques ou aux médiations des soviets locaux répondent assemblées rituelles et revendications autochtones, pillages et incendies des symboles de la présence russe. La consultation d’archives locales longtemps condamnées au secret, quelques publications récentes ainsi que le discours des informateurs (recueilli sur le terrain en 2004, 2005 et 2006 chez les Khantes du Nord et de l’Est, chez les Mansis du Nord) permettent désormais de mettre en lumière la résilience de peuples que l’empire tout comme la Révolution tenaient pour moribonds, mais que, paradoxalement, les répressions du milieu des années 1930, devaient menacer plus subtilement encore.

Ksenia Pimenova
Lieux sacrés de la vallée du Haut Iškin (Touva) : traditions orales et pratiques rituelles

Cet article cherche à montrer le rôle que les lieux sacrés et la tradition orale locale jouent dans la préservation de la mémoire collective des habitants de la vallée de l’Üstüü-Iškin (Touva occidental). Nous distinguons deux types de lieux particuliers : ceux « positifs » qui font l’objet de rites réguliers, et ceux « négatifs » où rôdent les mauvais esprits. Pour les habitants de la vallée chaque lieu particulier a son histoire et ses caractéristiques propres qui s’incarnent dans les légendes anciennes et des témoignages personnels récents, racontés et perçus en tant que vérité et non pas comme de la fiction. Le caractère véridique de ces œuvres de la tradition orale permet la préservation des lieux particuliers et des croyances qui y sont liées, et par là, de tout un système de rapports de l’homme à la nature qui semble survivre et se manifester de la façon la plus évidente au niveau de petites communautés locales relativement isolées.

Dany Savelli
Kiakhta ou l’épaisseur des frontières

Cet article s’ordonne autour d’une réflexion sur la frontière. L’histoire de la triple ville de Kiakhta (celle-ci désignant également Troitskosavsk et Maimaicheng, la ville marchande chinoise) révèle, tout au long des xviiie et xixe siècles, des particularités assez exceptionnelles qui tiennent à sa position aux limites des Empires russe et chinois. La frontière, en ce lieu, a réuni plus qu’elle n’a séparé ; elle s’est animée grâce à un commerce fondé sur le troc et à un trafic d’envergure ; elle a engendré un pidgin à usage des marchands russes et chinois et, phénomène plus singulier, elle a entraîné dans le même temps un décloisonnement social marqué. Fenêtre sur le monde, la « ville des millionnaires », dénommée aussi la « Venise des sables », a été à la fois un lieu de passage des idées révolutionnaires, un avant-poste de l’orientalisme et le centre culturel de la Transbaïkalie. L’évocation de Kiakhta, abordée ici dans une optique occidentale (russe incluse), est l’occasion d’effleurer des débats concernant la mode des chinoiseries en Russie, l’asiatisme russe, le statut de la Sibérie entre Chine et Russie occidentale ainsi que l’historiographie des relations russo-chinoises.

Nina Edinarxova
Le commerce à Kiakhta des années 1840 à 1860

Dans les années 1840-1860, Kiakhta a été le centre le plus important pour le commerce non seulement entre la Russie et la Chine mais aussi entre la Russie et l’Asie. Ce commerce a contribué de façon conséquente au développement de l’industrie textile russe et a donc œuvré à la révolution industrielle de la Russie.

Aleksandr Petrov
Les Chinois à Kiakhta (1728-1917)

Cet article porte sur les activités des Chinois à Kiakhta, ville qui fut pendant longtemps, avec Maimaicheng de l’autre côté de la frontière, la seule porte ouverte au commerce entre la Russie et la Chine. La période étudiée se situe entre 1727 et 1917. L’article insiste sur le fait que la vie des Chinois ainsi que leurs contacts avec les Russes de Kiakhta étaient régulés de façon stricte par des instructions officielles et secrètes émanant du gouvernement chinois. Néanmoins, malgré ces règles et grâce à l’hospitalité des Russes, les Chinois se sentaient chez eux à Troitskosavsk et à Kiakhta. Non seulement ils y commerçaient mais ils y rendaient visite à leurs amis russes à l’occasion de fêtes ou juste pour passer un moment avec eux. Il est symptomatique que dans les moments difficiles, notamment en cas de catastrophes naturelles, l’entraide entre Russes et Chinois ait fonctionné à Kiakhta. L’article porte plus particulièrement sur la période postérieure à la signature des traités chinois des années 1858-1860, quand Kiakhta perdit son importance et que le commerce russo-chinois se fit tout le long de la frontière séparant les deux empires. Il montre que ce fut là un tournant inattendu pour les marchands russes, qu’ils fussent de Kiakhta ou non, puisqu’ils se virent contraints d’entrer en compétition avec les Chinois, cette fois à l’intérieur même de leur pays. Pour conclure, on dira que Kiakhta a joué un rôle extrêmement positif non seulement dans le commerce russo-chinois mais aussi dans les relations culturelles entre les peuples russes et chinois.

E. V. Smol’nikova et N. A. Xarabadze
Histoire du Musée régional V. A. Obručev de Kiakhta

L’article retrace les différentes étapes de la fondation du Musée régional de Kiakhta, mettant en lumière le dynamisme des habitants de la ville comme l’aide apportée par les hôtes de passage – notamment les ethnographes G. N. Potanin et D. A. Klemenc. Créé en 1890, le musée ne reçut de statut officiel qu’une fois rattaché à la filiale de Troitskosavsk-Kiakhta de la Société impériale de géographie, créée en 1894. L’histoire de la constitution des collections de même que les transformations subies à la période soviétique par le musée – l’un des plus importants de Transbaïkalie – rendent compte de tout un pan de l’histoire de la ville de la fin du xixe siècle à nos jours.

Kirill Titaev
Kiakhta et la mondialisation (Kiakhta sur Internet et Internet à Kiakhta en 2003)

Cet article analyse la représentation sur Internet de la zone frontalière russo-mongole de Kiakhta. Il met en lumière les tendances principales à l’œuvre dans la constitution de l’image de Kiakhta sur l’Internet : la ville apparaît comme refermée sur elle-même. En outre, l’article rend compte de l’usage d’Internet à Kiakhta.

Titre Etudes mongoles et sibériennes, n° 38-39/2007-2008
Sous-titre Une Russie plurielle. Confins et profondeurs
Édition Première édition
Partie du titre Numéros 38-39
Auteur Auteurs divers
Coordination éditoriale de Jean-Luc Lambert, Dany Savelli
ISSN 07665075
Éditeur Centre d'Études Mongoles et Sibériennes (EPHE)
CLIL (Version 2013-2019 ) 3080 SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES
Description public visé anthropologues, ethnologues, linguistes, historiens
Crédit Centre d'études mongoles et sibériennes
Date de première publication du titre 29 janvier 2008
Code Identifiant de classement sujet      93 Classification thématique Thema: J
Avec Bibliographie
Support Livre broché
Nb de pages 576 p. Bibliographie .
ISBN-10 2951888848
ISBN-13 978-2-9518888-4-5
GTIN13 (EAN13) 9782951888845
Référence 115531-91
Date de publication 21 janvier 2008
Publication , France
Nombre absolu de pages 576
Nombre de pages de contenu principal 576
Illustrations
illustrations, noir et blanc
Format 16 x 24 x 3 cm
Poids 912 gr
Prix 45,00 €
 
Langue originale anglais
Editeur original Centre d'études mongoles et sibériennes
115531-91


 

 

 

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