Une ordonnance royale de 1376 décrit le «pays ou duché de Normandie» comme l'un des plus boisés du royaume de France. Sept siècles plus tard, avec seulement 14% de la surface régionale occupée par la forêt, on peine à imaginer l’importance d’un couvert forestier qui s’est érodé au fil de l’histoire. Aujourd’hui le rôle d’une «forêt salvatrice» apportant sa contribution aux puits de carbone laisse une large place à une «forêt récréative» voire «patrimoniale», au point de contester la politique de ses gestionnaires. C’est pourtant la ressource ligneuse qui alimente une filière bois dynamique, en écho du temps où les forêts normandes fourmillaient d’un petit peuple de bûcherons, fagotiers, charbonniers et sabotiers et fournissaient du bois pour la Marine royale.

Pendant plusieurs années, la forêt domaniale de Cerisy – hêtraie à houx la plus occidentale d’Europe – et ses marges ont constitué un espace-laboratoire à des chercheurs issus de différents horizons scientifiques (foresterie, botanique, géographie, histoire, archéologie, linguistique), dont ils livrent ici les résultats de leurs travaux. Entre Calvados et Manche, ce massif, dont la lisière est marquée par deux monuments emblématiques, l’abbaye de Cerisy et le château de Balleroy, est en réalité le vestige d’une immense forêt ducale qui caractérisait le sud du Bessin.

Fruit de travaux destinés à identifier les interactions entre les hommes et leur territoire, cet ouvrage inaugure une recherche collective. Il aborde, sur la longue durée, l’appropriation des espaces forestiers par les sociétés, le rôle de l’État depuis les ducs de Normandie dans la gestion des richesses naturelles face à la pression humaine, l’utilisation des ressources ligneuses dans le développement économique, l’aménagement de l’espace et le cadre de vie des populations limitrophes.