1895, n° 68/hiver 2012

Albert Capellani, de Vincennes à Fort Lee


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Dans le numéro 29, décembre 1999, de la revue 1895, on pouvait lire l'annonce d'une « Rétrospective Albert Capellani » :
« Les Archives du Film et du dépôt légal du Centre national de la cinématographie et la Cinémathèque française, en collaboration avec Pathé-Archives, l'Association française de recherche sur l’histoire du cinéma et les Indépendants du Premier Siècle, préparent pour 2001 une rétrospective Albert Capellani (1874-1931) à la Cinémathèque française assortie de la publication d’un numéro hors série de la revue 1895. »
Ainsi, il aura fallu plus de 12 ans pour que ce projet aboutisse, pour que le numéro de 1895 consacré à Capellani paraisse et pour que la rétrospective soit présentée à la Cinémathèque française.
Pourquoi des délais aussi longs ? D’abord parque l’œuvre immense du cinéaste était mal connue – notamment la carrière américaine –, que beaucoup de films avaient disparus ou n’existaient plus que dans des copies improjetables nécessitant des restaurations coûteuses. Il aura fallu l’opiniâtreté de différents intervenants, l’organisation d’hommages, notamment au Cinema ritrovato de Bologne, pour que peu à peu la chose devienne réalisable.
Jusqu’à un passé récent, Albert Capellani n’était guère qu’un nom cité parmi d’autres de la période du cinéma muet français. Pourtant le cinéaste est un précurseur, un novateur infatigable et passionné, auteur d’une œuvre considérable partagée entre la France et les Etats-Unis à une période charnière de l’histoire du cinéma.
Elève du conservatoire avec Le Bargy, il débute sa carrière artistique comme acteur de théâtre dans la troupe du Théâtre libre d’Antoine, puis à l’Odéon, avant d’être nommé régisseur de Firmin Gémier et ensuite administrateur du music-hall l'Alhambra en 1903. Il rejoint le cinéma comme metteur en scène en 1905 aux établissements Pathé-Frères avec Ferdinand Zecca. Son premier film, Le Chemineau, est adapté de Victor Hugo, et il se caractérise déjà par un style naturaliste dépourvu d’emphase, qui tranche sur la production traditionnelle du cinéma de cette époque dite « primitive ». Il s’adapte tout de suite à l’organisation de la société Pathé et tourne des scènes dramatiques et réalistes (Pauvre mère, La Fille du sonneur…), des féeries et contes (Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse, Aladin ou la lampe merveilleuse, Le Foulard merveilleux…), voire des scènes comiques (Les Apprentissages de Boireau), démontrant ses qualités d’adaptation à tous les sujets. Mais c’est à partir de 1908, lors de la création de la Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (SCAGL) qu’Albert Capellani déploie toute son énergie pour à la fois superviser et conseiller les metteurs en scène (George Denola, Georges Monca, Michel Carré, Henri Etiévant ou d'autres encore), et pour réaliser lui-même un certain nombre de bandes. En tant que directeur artistique, il imprime sa marque et son écriture aux films tournés sous sa direction et devient le précurseur du long métrage avec Le Chevalier de Maison Rouge, La Glu, Notre-Dame de Paris, Germinal, Les Mystères de Paris, Quatre-vingt treize, et surtout Les Misérables, qui place en 1913 la société Pathé et son réalisateur au sommet de la gloire. Durant cette période, Capellani fait preuve d’originalité en puisant dans le répertoire littéraire et théâtral français, tout en innovant dans le découpage, en modernisant la mise en scène (entre autres en tournant en extérieur), la prise de vue (en jouant sur la profondeur de champ, le décor) et le montage. Il emploie les studios et laboratoires Pathé pour tourner et suivre la chaîne de fabrication des films. Capellani profite notamment des services techniques de l’entreprise pour le tirage et le développement, il s’attache à suivre pour les films placés sous sa direction la mise en œuvre des procédés en couleur alors en pleine effervescence dans les ateliers de Vincennes. Il recherche aussi pour ses interprètes de nouveaux talents et fait tourner de nombreux acteurs de théâtre comme son frère Paul Capellani, mais aussi Berthe Bovy, Jacques Grétillat, Henri Krauss ou Mistinguett à qui il offre son premier grand rôle dramatique dans Les Misérables. Cette période de création, entre 1905 à 1914 est celle d’un artiste aux multiples facettes, dont la vie et l’œuvre, en dépit du manque d’informations, témoignent d’une vivacité singulière, de sources d’inspirations variées, et d’une impressionnante capacité de travail (environ 150 films pour la seule carrière française).
Charnière fondamentale : l’entrée en guerre de la France en août 1914 paralyse la société Pathé. Mobilisé puis réformé (il a déjà 40 ans et il a déjà combattu à Madagascar dans une très dure guerre coloniale), Albert Capellani part pour les Etats-Unis en 1915. Il faut rappeler que le cinéaste jouit déjà d’une grande notoriété dans ce pays depuis la sortie des Misérables. Lorsqu’il arrive à New York le 22 mars 1915, il a 41 ans. C’est, avec Maurice Tourneur, le plus âgé des cinéastes français (Henri Diamant-Berger, Emile Chautard, Alice Guy, Louis Ganier, Léonce Perret, Maurice Tourneur, Etienne Arnaud) qui s’installent aux Etats-Unis. Avec sa famille, qui arrive un peu plus tard, il se fixe dans une grande maison à Fort Lee près de New York. Son frère Paul le rejoint en septembre 1915.
Capellani commence très vite à tourner puisque son premier film, The Face in the Moonlight, sort le 28 juin 1915. Au total, il tourne 28 films aux Etats-Unis de 1915 à 1922. Pendant ces années, il revient deux fois en France avant un retour définitif en 1924.
Le 25 avril 1915, le Moving Picture World annonce que la World Film Corporation s’est assuré le concours d’Albert Capellani, « celui qui a fait Les Misérables », un film sorti deux ans plus tôt aux Etats-Unis et considéré comme une pierre miliaire dans la reconnaissance du cinéma comme forme d’expression majeure. On salue chez lui l’idée d’avoir fait appel à des artistes de la scène (Henry Krauss, Henri Etiévant). Cette société confie à Capellani le soin de porter à l’écran une série d’adaptation d’œuvres théâtrales, souvent d’ambiance parisienne. Photoplay de juillet 1915 définit Capellani « maître metteur en scène de photo-dramatisation de Littérature française ». Cette ambiance parisienne, Capellani la reproduit d’autant mieux qu’il est entouré de collaborateurs français, les chefs opérateurs Lucien Andriot et Jacques Monteran (on peut encore citer Lucien Tainguy, Eugène Gaudio), les décorateurs, Henri Menessier et Ben Carré, sans oublier son frère Paul Capellani qu’il fait jouer dans tous ses premiers films. Henri Menessier sera son collaborateur le plus fidèle : on le trouve au générique de 24 films.
Capellani va diriger de nombreuses stars américaines. Il tourne d’abord Camille (1915), d’après La Dame aux camélias, avec Clara Kimball Young, puis La Vie de Bohème (1916) avec Alice Brady. Il dirige ensuite Alla Nazimova dans trois films : Eye for Eye (1918), The Red Lantern (1919), Out of the Fog (id.). Il enchaîne avec trois films dans lesquels il met en scène June Caprice. Il fonde alors l’Albert Capellani Productions et tourne un de ses films d’ambiance parisienne les plus suggestifs, The Virtuous Model (1919) avec une nouvelle star d’origine italienne, Dolores Cassinelli. Il passe ensuite à la Cosmopolitan Productions, société créée par le magnat de la presse William Hearst, pour laquelle il dirige trois films avec Marion Davies. Sa carrière s’interrompt alors dans des conditions mal élucidées et au milieu de multiples difficultés.
Précocement usé, il tente vainement de reprendre sa carrière en France où il est revenu en 1924 – il subsiste quelque doute sur la date exacte de son retour – et où il meurt en 1931 à l’âge de 57 ans. En France et aux Etats-Unis, son décès passe à peu près inaperçu.
Pour présenter et analyser l’œuvre de Capellani, pour marquer les territoires biens connus et cerner les zones d’ombre, nous avons fait appels à de nombreux spécialistes français mais aussi étrangers comme Mariann Lewinsky. Nous avons également pu compter sur trois experts américains, Richard Abel, Richard Koszarski et Jay Weissberg (ces deux derniers apportent une contribution décisive à la connaissance de la carrière américaine de Capellani). Que tous soient vivement remerciés pour leur collaboration.

Jean A. Gili, Éric Le Roy

Titre 1895, n° 68/hiver 2012
Sous-titre Albert Capellani, de Vincennes à Fort Lee
Édition Première édition
Partie du titre Numéro 68
Auteur Auteurs divers
Revue 1895
ISSN 07690959
Éditeur AFRHC - Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
Public visé 06 Professionnel et académique
CLIL (Version 2013-2019 ) 3080 SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES
Date de première publication du titre 25 mars 2013
Code Identifiant de classement sujet      93 Classification thématique Thema: J
Avec Bibliographie
Support Livre broché
Nb de pages 288 p. Bibliographie .
ISBN-10 2913758630
ISBN-13 978-2-913758-63-6
GTIN13 (EAN13) 9782913758636
Référence 115283-42
Date de publication 25 mars 2013
Nombre de pages de contenu principal 288
Illustrations
illustrations, noir et blanc
Format 19 x 23 x 1,8 cm
Poids 750 gr
Prix 25,00 €
 
115283-42


 

 

 

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