Les structures sociales et institutionnelles de la Russie moderne, ébauchées par les rudes mains de Pierre le Grand, ont été travaillées par des forces contradictoires. La centralisation administrative et la réglementation bureaucratique, qu'a promues le premier empereur, se sont heurtées à une culture politique d'origine européenne, en quête d'un essor social maximal. A contrario, les structures sociales de l'Empire étaient régies par le servage des paysanneries et l'absence de corps organisés disposant de droits et de privilèges garantis par la loi. L'ouverture sur l'Europe travaillait les cultures russes : fenêtre avec Pierre le Grand, large porte à la fin du 18e siècle, avant une diffusion de masse au début du 20e siècle. De telles contradictions entre les institutions et les cultures de la Russie moderne ont fécondé la littérature et les arts ; elles ont aussi conduit le régime impérial à un cul-de-sac politique. Les révolutions de 1917 ambitionnaient de sortir de celui-ci, en jetant les bases d'un ordre nouveau qui écarterait ces dilemmes structurels et sauveraient le dynamisme culturel. Les études réunies dans ce recueil veulent rendre compte de ces évolutions et de ces tensions de longue durée, donnant à voir une Russie à la fois "absente et présente" au monde moderne.