Selon les aléas spécifiques aux matières premières, le café [dispute au] partage avec le blé la première place des produits agricoles dans le commerce international. Entre production et consommation, deux mondes coexistent, en s'ignorant souvent du fait des discontinuités dans l'organisation de la filière à l'échelle mondiale.
Le café est beaucoup plus qu'un simple objet de négoce. Le mot lui même désigne à la fois le produit et le lieu où de façon privilégiée on le consomme, lieu d'échanges où les distances géographiques et sociales s'affirment ou se diluent dans l'alchimie du petit noir.
Aux lieux de production, le rôle que joue le café prend son sens au sein de l'évolution d'un système global complexe, où les exigences écologiques de la plante, les aptitudes bioclimatiques et pédologiques des milieux tropicaux interfèrent non seulement avec les conditions historiques du marché mondial, mais aussi avec la formation et la transformation de sociétés paysannes ouvertes à l'innovation, et avec la construction, destruction, reconstitution des pouvoirs, en particulier ceux de l'Etat moderne.
Ce numéro rend compte en particulier du processus de territorialisation qu'a accompagné la diffusion de la caféiculture, en tant que moment d'une histoire des sociétés locales et des Etats, et en tant que composante géographique d'un certain modèle de développement, dans le sens où Les caféiers marquent le paysage de leur empreinte, où la caféiculture est un vecteur des dynamiques et des identités socioculturelles et où elle sert de support à la légitimation de hiérarchies institutionnalisées ou de formes instituées de division du travail.